Le philosophe allemand Hermann Ebbinghaus est considéré comme le précurseur de la psychologie expérimentale de l’apprentissage.; il est effectivement le premier à avoir théorisé l’effet d’espacement dans son ouvrage de 1885 La Mémoire : Recherches de psychologie expérimentale.
Le phénomène améliore la mémorisation sur le long terme quand des sessions d’apprentissage de la même durée sont espacées dans le temps. Cela signifie qu’une information est mieux retenue si une pause suffisante est observée pour son apprentissage. Plus d’un siècle de recherche appuie les observations du professeur Ebbinghaus sans qu’on ne soit arrivé à expliquer le mécanisme du phénomène.
Une expérience sur des rongeurs
En juillet dernier, la revue scientifique Current Biology a publié un papier qui détaille le fonctionnement du cerveau quand l’effet d’espacement est en action. Celui-ci est l’œuvre de neuroscientifiques de l’Institut Max-Planck de neurobiologie, en Allemagne.
Pour mieux comprendre le fonctionnement de l’effet d’espacement, les chercheurs de l’institut allemand ont examiné le cerveau de souris, le cortex préfrontal médial dorsal précisément. Il s’agit d’une région du cerveau fondamentale pour le processus d’apprentissage. Les rongeurs devaient trouver un morceau de chocolat dans un labyrinthe. Chaque spécimen a eu droit à trois occasions, avec le chocolat toujours au même endroit. L’équipe de recherche a ensuite établi différents intervalles de temps entre chacun des parcours.
Les pauses agissent sur l’activité neuronale
Les spécimens entraînés avec des intervalles plus longs entre les sessions d’apprentissage n’ont pas été en mesure de se souvenir de l’emplacement du chocolat dans un délai raisonnable. Le jour suivant, plus les pauses étaient longues, meilleure était la mémoire des rongeurs. En se concentrant sur l’activité des neurones, les chercheurs s’attendaient à ce que les sessions d’apprentissage consécutives réactivent les mêmes voies neuronales.
Le contraire s’est pourtant produit. Seules les pauses plus longues entre les sessions ont activé les mêmes voies neuronales. De courtes phases d’apprentissage consécutives semblaient activer des neurones de groupes différents. Chez la souris, la pause optimale se situe entre 30 et 60 minutes. Seule cette durée a amélioré la récupération de la mémoire à plus long terme le jour suivant. Des intervalles plus ou moins longs entre les sessions d’apprentissage n’offraient aucun avantage particulier à l’amélioration de la mémoire.
Une meilleure connectivité des neurones grâce aux pauses
« Nos résultats fournissent la première description directe de la façon dont l’activité de la même population neuronale, pendant l’encodage et la récupération de la mémoire, médie l’effet d’espacement, un phénomène initialement décrit il y a plus d’un siècle », se réjouit Pieter Goltstein de l’équipe de recherche. Les pauses entre des sessions d’apprentissage renforcent la connectivité des neurones, indiquent les données d’étude. Cela permet de mieux retenir les informations et de favoriser la récupération de la mémoire.