Le jugement est venu annuler une décision du Bureau australien des brevets et des marques. Ce dernier avait reçu l’an dernier deux curieuses demandes de brevets internationaux. Celles-ci mentionnaient une intelligence artificielle comme bénéficiaire de la propriété intellectuelle.
L’intelligence artificielle en question s’appelle DABUS (Device for Autonomous Bootstrapping of Unified Sentience). Elle a été développée par Stephen Thaler. Le chercheur américain décrit son invention comme un moteur créatif parfaitement autonome. Il estime ainsi ne pas être en mesure de s’attribuer les inventions de l’intelligence artificielle.
Des demandes de brevet dans une dizaine de pays
À noter que Thaler a déposé des demandes de brevet dans 17 pays pour attribuer les inventions à DABUS. Les requêtes n’ont pas été approuvées aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne. L’Australie n’est pas le premier pays à accorder un brevet à une invention développée par une machine.
La Commission des entreprises et de la propriété intellectuelle se charge d’approuver les demandes de brevet en Afrique du Sud. Elle a donné une suite favorable aux dossiers de DABUS quelques jours avant la décision de justice australienne.
Explication du jugement de la Cour fédérale australienne
Le juge de la Cour fédérale australienne Jonathan Beach se trouve derrière la décision en faveur de l’intelligence artificielle. En Australie, la législation sur les brevets n’oblige pas l’inventeur à détenir le titre ou à le transmettre au demandeur, se justifiait-il. Elle exige simplement que le demandeur reçoive un titre d’une manière reconnue par la loi. Un peu comme un producteur laitier qui reçoit un titre sur le lait de ses bêtes.
Le juge Beach a d’ailleurs souligné que son interprétation était conforme à la Loi sur les brevets qui est d’encourager l’innovation. Le fait de ne pas voir les choses de cette manière signifierait que les inventions de DABUS n’auraient pas de propriétaire. Cela pourrait alors créer un vide dans l’attribution des brevets pour les inventions générées par l’intelligence artificielle.
« Nous devons nous habituer à cette idée sous-jacente, reconnaître la nature évolutive des inventions brevetables et de leurs créateurs. Nous sommes à la fois créés et créateurs. Pourquoi nos créations ne pourraient-elles pas créer à leur tour », a déclaré Jonathan Beach. L’Australie et l’Afrique du Sud restent pour l’heure les seules nations à reconnaître une intelligence artificielle comme inventeur et détenteur de brevets.
Vers un monopole de l’intelligence artificielle sur l’innovation ?
Thaler conteste la décision des bureaux des brevets des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Europe. Comme en Australie, le chercheur américain a choisi d’aller devant les tribunaux pour obtenir gain de cause.
Si Thaler perd, cela pourrait signifier que l’Australie et l’Afrique du Sud deviennent des destinations privilégiées pour le brevetage des inventions développées par l’IA. Dans la mesure où les tribunaux statuent comme le juge Beach, cela changerait en profondeur le monde de l’innovation.
Il va sans dire que le contexte renforcerait la domination des géants de la technologie pour lesquels l’intelligence artificielle est un élément central de leurs activités. Parmi ces entreprises, il est possible de citer Google, Apple, Facebook, Amazon ou encore Alibaba. D’où la nécessité d’étudier en profondeur le statut d’inventeur attribué à une intelligence artificielle.