Les trous noirs font partie des objets cosmiques les plus difficiles à observer; rappelons qu’il s’agit de singularités gravitationnelles qui ne laissent échapper ni particule ni rayonnement. Cela en fait des structures cosmiques optiquement invisibles; leur observation s’effectue ainsi de manière indirecte.
Les astrophysiciens s’appuient généralement sur l’analyse des longueurs d’onde pour déterminer la présence d’un trou noir dans une région donnée dans l’espace. Malheureusement, cette technique ne permet d’obtenir que des données limitées. Les chercheurs rencontrent souvent des difficultés presque insurmontables quand il s’agit de déterminer des paramètres comme la masse.
La méthode utilisée actuellement pour évaluer la masse d’un trou noir est assez complexe: elle prend en compte un volume considérable de données, ce qui rend certains traitements presque impossibles. Colin Burke de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign, aux États-Unis, propose ainsi une approche plus pratique.
Un seul trou noir pesé à ce jour
Le concept de trou noir a émergé vers la fin du XVIIIe siècle sans véritablement susciter de l’intérêt. Albert Einstein a été le premier à s’emparer sérieusement de la notion. Rappelons qu’on doit au physicien théoricien allemand la théorie de la relativité générale. Son concept propose une méthode qui donne la possibilité de déterminer combien pèse un trou noir.
Les singularités gravitationnelles comportent une partie appelée l’horizon des événements: la littérature scientifique décrit cette région comme la frontière à ne pas dépasser dans un trou noir. Les particules s’y déplacent à une vitesse plus rapide que celle de la lumière, ce qui explique pourquoi toute forme de matière ou de rayonnement ne peut s’échapper d’un tel monstre cosmique.
La technique de mesure de la masse – tirée de la théorie d’Einstein – s’appuie sur l’observation de l’horizon des événements. Pour l’heure, elle repose sur les données de l’Event Horizon Telescope. Il convient de noter que ce télescope a été conçu pour analyser les trous noirs supermassifs Sagittaire A* et M87*. La mesure de la masse avec l’EHT est tellement complexe qu’elle n’a permis à ce jour que de déterminer celle de M87*.
Les variations lumineuses du disque d’accrétion
Les trous noirs se nourrissent de matière; cela leur permet de devenir plus massifs au fur et à mesure. L’intensité excessive du champ gravitationnel est à l’origine de l’accumulation de matière autour de chaque singularité. Se développe alors un disque d’accrétion constitué de gaz chaud et de poussière cosmique. Le changement de la quantité de matière en gravitation autour du trou noir génère une variation récurrente de l’intensité lumineuse du disque d’accrétion; il peut même arriver que ce dernier brille davantage qu’une étoile dans la même région spatiale.
Le professeur Burke et son équipe ont ainsi décidé de se pencher sur l’intensité lumineuse changeante du disque d’accrétion. Les chercheurs pensaient que le phénomène pouvait être un indicateur majeur pour évaluer la masse d’un trou noir; leur méthode d’analyse est décrite dans un article publié dans la revue scientifique Science en août dernier.
Jusqu’à 10 milliards de fois plus lourds que le Soleil
La variation de l’intensité lumineuse du disque d’accrétion reste un mystère pour les chercheurs. L’accumulation de matière peut devenir plus claire ou plus sombre à certains moments. Des astronomes ont spéculé sur la relation entre la variation lumineuse et l’activité de la singularité gravitationnelle, mais l’hypothèse continue de susciter la controverse au sein de la communauté scientifique.
Pour mettre au point sa méthode, l’équipe de l’UIUC a examiné des données d’étude de 67 trous noirs actifs; les informations collectées mentionnaient déjà la masse de chacun d’eux avec une variation de 10 000 à 10 milliards de fois celle de notre Soleil. Pour les objets les plus petits, la luminosité changeait sur des périodes allant de quelques heures à plusieurs semaines; pour les massifs, la variation pouvait prendre plusieurs mois.
Une technique d’évaluation plus simple et plus efficace
Burke et ses collègues ont ainsi pu déduire la variation de la luminosité du disque d’accrétion selon la masse du trou noir. La nouvelle technique a été appliquée sur d’autres objets cosmiques pour en vérifier la précision, et l’application sur des naines blanches s’est révélée concluante. Les chercheurs de l’UIUC ont certes mis au point une méthode pratique, mais celle-ci n’est pas nécessairement plus rapide: le calcul de la masse d’un trou noir supermassif peut par exemple prendre plusieurs années, cela en raison d’une fluctuation lumineuse plus lente.
Le professeur Burke est plutôt satisfait des résultats obtenus. Sa méthode ne se limite pas à la détermination de la masse des trous noirs, elle pourrait aussi permettre de faciliter la recherche de singularités gravitationnelles qui présentent un disque d’accrétion. Notons que la technique est applicable sur d’autres objets célestes ayant une accumulation de matière autour.