Créer des bio-ordinateurs qui fonctionnent avec des cellules cérébrales. C’est l’objectif de la recherche menée par des chercheurs de l’Université John Hopkins à Baltimore et le Dr Brett Kagan, responsable scientifique de Cortical Labs à Melbourne. Le 1ᵉʳ mars 2023, ces scientifiques ont développé leur vision dans un article publié par Frontiers in Science. Ils aspirent à mettre au point des ordinateurs biologiques à intelligence organoïde (IO) qui seraient largement plus efficaces que les ordinateurs électroniques actuels. Comment comptent-ils réaliser ce projet ambitieux ? Explications.
Les organoïdes cérébraux : de quoi s’agit-il ?
Les organoïdes cérébraux correspondent à des cellules du cerveau humain cultivées en laboratoire. Ces chercheurs de haut niveau estiment que ce matériel biologique possède des points communs avec le cerveau humain. Ils font notamment référence aux neurones et à d’autres cellules qui assurent les fonctions cognitives, dont l’apprentissage et la mémoire. Ces organoïdes ont également la particularité d’avoir une structure tridimensionnelle. Ainsi, la densité cellulaire de la culture est 1 000 fois plus élevée que celle de la culture normale et plate. Les neurones y sont capables de former un plus grand nombre de connexions.
Pourquoi feraient-ils de meilleurs ordinateurs ?
Si l’ordinateur à base de silicium excelle avec les chiffres, le cerveau est un meilleur apprenant. À titre d’exemple, l’IA AlphaGo a pu vaincre le champion mondial de Go en 2017, en s’entraînant sur les données de 16 000 parties. Pour une personne, il faudrait jouer 5 h par jour pendant plus de 175 ans afin de maîtriser toutes ces parties. En plus de leur grande capacité d’apprentissage, les cerveaux consomment moins d’énergie que les ordinateurs électroniques et les serveurs. Les chercheurs estiment que le cerveau utilise seulement l’équivalent de quelques watts pour stocker des données équivalentes à un million de fois la capacité d’un ordinateur domestique moyen. En revanche, les data centers sont de gros consommateurs d’énergie (environ 15 000 MW par an). Outre cela, les cerveaux possèdent une capacité de stockage de données énorme (estimée à un pétaoctet). Contrairement à cela, les ordinateurs électroniques sont limités. En cause, il est impossible d’ajouter davantage de transistors dans une petite puce.
Comment les bio-ordinateurs seraient-ils conçus ?
Ces chercheurs ont d’abord créé de petits groupes de 50 000 cellules cérébrales. Mais cela reste encore insuffisant. En effet, ils visent à obtenir 10 millions de cellules cérébrales pour faire fonctionner les futurs ordinateurs à IO. À titre de comparaison, le cerveau humain compte plus de 80 milliards de neurones. Jusqu’ici, le projet « IO » est seulement à ses débuts. Malgré cela, le Dr Brett Kagan a déjà prouvé que cette vision est réalisable. Cet expert a récemment présenté une étude qui démontre qu’une culture de cellules cérébrales normale et plate peut apprendre à jouer à Pong (projet Dishbrain). D’ailleurs, les chercheurs de l’Université John Hopkins reproduisent actuellement cette même expérience avec des organoïdes cérébraux. Parallèlement à ce projet, ces scientifiques conçoivent des technologies qui serviront à communiquer avec les organoïdes. Ils réfléchissent notamment à la façon de leur envoyer des informations et de connaître leur pensée. Ces experts envisagent également d’améliorer des outils issus de différents domaines scientifiques comme l’apprentissage automatique et la bio-ingénierie. Ils prévoient de créer des outils de stimulation et d’enregistrement.
Les organoïdes cérébraux au service de la santé
Au-delà de l’informatique, l’IO peut aussi servir dans le domaine de la médecine. Les scientifiques ont ainsi la possibilité de produire des organoïdes cérébraux personnalisés à partir d’échantillons de peau ou de sang de patients souffrants d’affections neuronales (la maladie d’Alzheimer par exemple). À partir de ce matériel biologique, ils peuvent réaliser des tests afin de comprendre l’influence des facteurs génétiques, des médicaments et des toxines sur ces maladies. Plus d’informations : frontiersin.org