Il y a une quinzaine d’années, en 2007, 20 pays d’Afrique lançaient le projet de « la grande muraille verte », un projet ambitieux visant à lutter contre la dégradation des terres et le changement climatique dans la région du Sahel en Afrique. Cette initiative, qui a pour date butoir l’année 2030, vise à créer une ceinture continue d’arbres et de végétation à travers le Sahel, une zone semi-aride qui s’étend du Sénégal à Djibouti. L’objectif principal du projet est de restaurer les terres dégradées, de protéger la biodiversité, de lutter contre l’érosion, de promouvoir la sécurité alimentaire et de créer des opportunités économiques pour les populations locales.
L’idée est de planter des millions d’arbres pour créer une muraille verte et ralentir l’avancée du désert. Un projet ambitieux et vertueux qui, malheureusement, fait face à de nombreuses difficultés. En effet, les pays participants ne disposent pas des mêmes moyens financiers ni humains, pour que cette muraille verte voie le jour. Le Sénégal espère encore que cette muraille tiendra ses promesses. Enquête.
Au Sénégal, on ne lâche rien !
Dans un petit village du Sénégal, Mbar Toubab, des clôtures d’1,50 m de haut entourent une parcelle de 450 ha. À l’intérieur de cette parcelle, se trouvent de longs sillons dans lesquels viennent d’être plantées de jeunes pousses d’arbres indigènes. « Là, elles ne risquent pas d’être broutées par le bétail, et si elles supportent bien la saison sèche, nous aurons de petits arbustes l’an prochain », explique Gora Diop dans une interview accordée au magazine Géo. L’homme est un colonel des Eaux et Forêts et directeur de l’agence sénégalaise de la Grande Muraille verte. Avec son équipe d’une centaine de personnes, il n’a qu’un objectif : reboiser le pays. Une tâche compliquée, voire impossible, mais ils avancent tant bien que mal.
Le projet complètement fou de 2007
La Grande Muraille Verte d’Afrique a été initiée par l’Union africaine (UA), une organisation continentale composée de 55 pays membres en Afrique. L’UA a lancé ce projet en 2007 pour lutter contre la dégradation des terres, la désertification et le changement climatique dans la région du Sahel en Afrique. Près de 7 600 km de long, 15 m de large et des milliards d’arbres, de plantes et d’arbustes attendus dans ce périmètre.
L’idée avait été déjà évoquée en 2005 par les présidents du Sénégal et du Nigéria, puis avait débuté en 2007. Cette grande muraille verte a toujours suscité des interrogations. En effet, comment tous ces pays, parfois politiquement opposés, parviendraient-ils à se mettre d’accord à participer financièrement et à trouver la main d’œuvre pour réaliser ce projet ? Quinze ans plus tard, les difficultés sont bien réelles puisque moins de 5 millions d’hectares ont été arborés sur les 100 millions prévus en 2030. Sept ans pour 95 millions d’hectare : mission impossible !
Pourquoi cela n’a pas fonctionné comme prévu ?
Officiellement, 170 millions d’euros en 15 ans ont été répartis entre les pays pour réaliser la grande muraille verte. Cet argent provient d’Afrique pour 38 millions et du reste du monde, pour les 132 millions restants. Officieusement, la Banque Mondiale estime qu’en réalité, ce sont déjà 768 millions d’euros qui ont été concrètement engloutis dans la barrière verte. Le problème étant que, dans certains pays corrompus, l’argent n’a pas réellement servi à planter des arbres ! Le contexte géopolitique est également un immense frein au développement de la grande muraille verte. Certains pays se trouvent en état de guerre civile : Éthiopie, Érythrée, Soudan, tandis que d’autres sont gangrénés par la violence djihadiste : Niger, Nigeria, Mali, Tchad, Mauritanie et Burkina Faso. La situation n’est pas exactement propice à la plantation d’arbres, mais plutôt à maintenir un semblant de paix !
L’exception sénégalaise
Ce pays d’Afrique est actuellement l’un des plus stables en termes de politique, et c’est aussi celui qui est le plus engagé dans ce projet écologique. « À ce jour, 130 000 hectares ont été traités, dont une moitié reboisée, et l’autre uniquement clôturée. », explique le colonel Diop. Il sera probablement difficile de maintenir les délais de 2030, mais ils poursuivront ce projet, coûte que coûte ! Il faudra faire avec les aléas climatiques, le manque d’eau, les destructions sauvages, etc. Dans quelques dizaines d’années, les « planteurs d’arbres » espèrent voir leur travail récompensé, avec des animaux qui reviendraient, des fruits et des légumes nourriciers, etc. Malheureusement, ceux qui plantent ne verront sans doute pas les bénéfices de leur travail. L’année 2030, une échéance bien trop proche pour réaliser ce projet complétement fou, voire vraiment utopiste ! Plus d’informations : greatgreenwall.org