Nous avons tous vu Blade Runner, Total Recall, 2001 : l’Odyssée de l’espace… La science-fiction nous a toujours offert le même rêve : dans l’avenir, les humains voyageront et vivront dans le cosmos. Certes, le projet d’habiter des galaxies lointaines n’est pas encore à portée de main.
Mais celui de séjourner dans une station spatiale privée l’est peut-être. La NASA a en effet choisi des compagnies privées américaines pour construire ce qu’elle nomme des « destinations commerciales ». Voyons ensemble quelles sont les motivations et les implications de cette opération. Prêt à décoller ?
La Station Spatiale Internationale obsolète en 2030 : la voie ouverte aux grandes entreprises américaines
L’ISS (International Spatial Station) a été lancée par les États-Unis et se trouve dans l’orbite basse de la Terre. Elle permet aux astronautes du monde entier de mener des recherches scientifiques dans l’espace. Mais il y a un hic : elle commence à se faire vieille. En effet, elle a été mise en fonctionnement en 1998. Au regard de son usure et du risque de défaillances techniques, il avait été décidé de la mettre hors service en 2028. La NASA a pourtant déjà déclaré qu’elle devrait rester fonctionnelle jusqu’en 2030, car c’est ce qu’a décidé le Sénat américain en juin 2021.
Il y a aura un point positif à sa fermeture pour l’agence spatiale américaine : elle pourra faire des économies. Comme il a été révélé dans un rapport publié le 30 novembre 2021, la maintenance de l’ISS lui coûte 3 milliards de dollars par an.
Néanmoins, il y a un aspect moins positif à la fin de vie de l’ISS. La station est utilisée par de nombreux pays, dont la Chine, la Russie, le Japon, le Canada et l’Union européenne. Sa mise hors service n’est donc pas une simple formalité pour les acteurs internationaux. En effet, comme il est déclaré dans le rapport, c’est « une opération techniquement complexe et coûteuse, qui requiert une participation internationale et une décision critique quant à son échéance. » Les pays qui exploitent l’ISS devront donc trouver une autre façon de maintenir leur présence dans l’orbite basse de la Terre. Les États-Unis en ont déjà trouvé une : ils ont invité des acteurs du secteur privé à lancer leurs propres stations spatiales.
Une collaboration ambitieuse entre la NASA et le secteur privé américain
Les jalons de ce partenariat inédit ont déjà été posés en 2019, quand la NASA avait établi une politique de tarification pour le marketing et la commercialisation. Puis, en 2020, la NASA a commencé une première opération avec un associé privé, Axiom Space. La société a alors été chargée de construire un module pour l’ISS. Le 2 décembre 2021, la NASA a annoncé dans un communiqué de presse que des fonds avaient été alloués à trois entreprises privées américaines :
- Blue Origin a reçu 130 millions de dollars ;
- Nanoracks LLC a reçu 160 millions de dollars ;
- Northrop Grumman a reçu 125.6 millions de dollars.
Très bien, mais que vont-elles accomplir dans l’espace ? Le programme a été dévoilé, et a été divisé en deux phases.
La première s’étendra de 2021 à 2025. Les entreprises choisies auront pour but d’élaborer et de commencer à construire des stations spatiales commerciales « répondant aux potentiels besoins du gouvernement et du secteur privé. »
Chaque société développera son propre projet :
- Blue Origin, qui s’est associé à Sierra Space, développera sa propre station, Orbital Reef. Elle sera un « parc commercial à usage multiple. »
- En 2027, Nanoracks mettra en orbite une station nommée « Starlab ». Elle sera, elle aussi, utilisée pour développer des activités commerciales. Cependant, elle sera plus portée sur la recherche. Elle accueillera en effet le parc scientifique George Washington Carver, divisé en « quatre principaux départements opérationnels – un laboratoire de biologie, un laboratoire de botanique, un laboratoire de science physique et de recherche sur la matière, et un espace de travail libre. » Cette nouvelle station est un élément phare du projet, car elle pourra recevoir une équipe de 10 personnes, et aura les mêmes capacités techniques que l’ISS.
- Northrop Grumman va construire une station modulaire. Elle sera encore plus polyvalente que les deux autres. Elle inclura une navette de fret et son design multifonction permettra de développer des activités scientifiques, touristiques et industrielles.
Une fois cette phase complétée, la deuxième pourra démarrer. À partir de la seconde moitié des années 2020, la NASA enverra ses astronautes et d’autres potentiels candidats dans ces stations privées, « quand cela sera possible. » Une question subsiste : qui va bénéficier de cette opération ?
La privatisation des stations spatiales américaines : un petit pas pour l’humanité, un grand pas pour la NASA
Ce programme est alléchant, et promet de mener l’occupation spatiale à un tout autre niveau. S’il est certain que la science profitera de cet accord, elle ne sera pas la seule. En effet, les sociétés privées vont réaliser d’énormes profits. Elles seront en mesure de développer de nouveaux composants, de faire avancer leurs recherches scientifiques personnelles, d’inviter d’autres acteurs pour mettre en place des partenariats lucratifs… Ainsi, en 2020, la marque Estée Lauder avait obtenu un contrat exclusif avec la NASA et l’ISS pour faire photographier ses sérums dans l’espace. Comme le magazine Forbes l’avait annoncé, l’opération avait coûté 128 000 dollars à l’entreprise de cosmétique. D’autres acteurs privés pourraient profiter des mêmes avantages dans les nouvelles stations spatiales commerciales.
Laissons l’aspect scientifique et commercial de côté. Quid des activités touristiques développées par la société Northrop Grumman ? Malheureusement, elles n’ont pas encore été détaillées. Mais il y a fort à parier que les astronautes amateurs seront triés sur le volet, et devront payer leur ticket au prix fort. Vos rêves d’apesanteur ne sont donc pas prêts de se réaliser !
Les astronautes de la NASA, eux, auront toujours une place réservée au meilleur tarif. En effet, grâce à ce partenariat, l’agence spatiale paiera moins cher pour envoyer ses équipes dans les stations commerciales en orbite terrestre basse. De plus, elle n’aura plus à financer une station spatiale gouvernementale. La NASA pourra ainsi pérenniser sa présence dans cet espace stratégique, ce qui lui laissera le champ libre pour mener à bien d’autres missions : celles d’explorer la Lune (mission Artemis) et Mars.
Devons-nous nous réjouir de cette grande opération jamais vue dans l’histoire de l’humanité ? Difficile à dire pour l’instant. Mais si vous voulez toujours vous transformer en Star-Lord le temps d’un week-end, commencez à économiser… Peut-être que vous pourrez louer une chambre dans l’une de ces stations spatiales dans quelques décennies !
Article rédigé par Mathilde Naveau