La question de la survie est inhérente à la nature: l’évolution a permis que chaque espèce animale développe des moyens particuliers pour garantir sa pérennité. Les techniques acquises permettent de se nourrir et de se défendre contre les prédateurs.
La taille et la force sont les armes les plus courantes pour survivre dans la nature sauvage, mais les espèces de petite taille ne possèdent pas ces deux avantages. L’évolution leur a alors conféré une arme non moins redoutable, à savoir les toxines. Ces dernières peuvent avoir différents effets sur leurs victimes.
L’importance des canaux sodiques
Ces substances ne sont pas nocives pour leurs sécréteurs, et un chercheur à l’université de Californie à San Francisco, aux États-Unis, Fayal Abderemane-Ali, a mené des travaux pour en déterminer la raison. Abderemane-Ali a détaillé sa recherche dans un papier récemment publié dans la revue Journal of General Physiology. Son article évoque le caractère essentiel des canaux sodiques: ces derniers garantissent le bon fonctionnement du système nerveux central. Leur fonction est de permettre la transmission des messages électriques permettant au cerveau de contrôler le reste du corps.
Les magnifiques et fatales grenouilles Phyllobates
La batrachotoxine est une toxine très nocive pour les canaux sodiques. Le fonctionnement de ces voies de transmission repose sur un mécanisme d’ouverture et de fermeture: la toxine empêche la fermeture du canal, afin de perturber le système nerveux central. Les conséquences sont terribles pour les processus physiologiques: l’activité cardiaque ne peut exister sans le bon fonctionnement des canaux sodiques, souligne l’auteur de la recherche.
Les grenouilles du genre Phyllobates sont les plus célèbres sécréteurs de batrachotoxine; elles se trouvent d’ailleurs au cœur des travaux du professeur Abderemane-Ali. Les spécimens se reconnaissent à leur taille assez réduite et leurs couleurs vives. Ils possèdent des glandes cutanées qui produisent la toxine en question. Notons qu’une seule grenouille de ce type est capable de sécréter suffisamment de poison pour tuer plus d’une dizaine de personnes adultes.
Le secret de l’immunité à la batrachotoxine
Les chercheurs ont longtemps supposé que les grenouilles Phyllobates possédaient des canaux sodiques résistants à la batrachotoxine, mais les expérimentations d’Abderemane-Ali viennent infirmer cette hypothèse. Rappelons que les grenouilles ne possèdent aucune faculté à sécréter la toxine à la naissance: elles acquièrent ce pouvoir en grandissant et en ingérant des insectes qui produisent la substance.
Avec des canaux sodiques normaux, l’auteur de la recherche suggère la présence d’éponges à toxine qui garantit l’immunité des Phyllobates. Les grenouilles fabriquent des protéines éponges capables d’isoler la batrachotoxine pour réutiliser cette dernière. La technique de la séquestration, selon Abderemane-Ali, fait partie des procédés permettant aux animaux venimeux de survivre à un empoisonnement. Elle est aussi observée chez d’autres espèces de grenouille, entre autres chez le Rana catesbeiana.
Parmi justement les autres astuces utilisées par certaines espèces pour éviter l’auto-empoisonnement, le professeur affilié à l’université de Californie à San Francisco cite la mutation génétique et la capacité à se débarrasser complètement de la toxine du corps.