Que ce soit dans les contes pour enfants ou dans certaines légendes, le loup est souvent représenté comme un animal cruel et sanguinaire. Et c’est peut-être à cause de cette représentation imaginaire que le loup fait peur.
Pierre Jouventin, directeur de recherches au CNRS de Montpellier, spécialiste en écologie comportementale des oiseaux et mammifères antarctiques, nous brosse pourtant un portrait plus sympathique de cet animal. Selon lui, il ne serait pas aussi cruel que l’on veut bien le dire. Il serait même un animal altruiste et écologiste. Et il avance même que les attaques de brebis pourraient être évitées.
Le loup présent depuis 20 ans en Occitanie
Pierre Jouventin étudie le loup depuis des dizaines d’années, comme il le fait avec d’autres espèces animales. Pour étudier en profondeur le « Canis Lupus », le chercheur a même vécu 4 ans avec une louve dans son appartement montpellierain.
En mai dernier, il publiait son dernier livre « Le loup, ce mal aimé qui nous ressemble ». L’occasion pour lui de chasser quelques-unes de idées reçues sur le loup… Qui n’est d’ailleurs rien d’autre que l’ancêtre du chien, notre meilleur ami. Et pour étayer ses propos, il s’appuie bien entendu sur des recherches scientifiques.
Le loup, un animal finalement peu connu
Au regard de certaines espèces animales étudiées depuis des centaines d’années, le loup, lui, n’est étudié que depuis les années 1950, ce qui est assez récent. Les études scientifiques s’accordent sur le fait que le loup est un animal fidèle, qui vit en couple, et dont les louveteaux sont éduqués par la meute, en famille. Le groupe tout entier chasse pour la communauté; ils partagent. Les loups ont aussi un langage propre à chaque meute. Ainsi un loup égaré reconnaîtra sa meute à son seul hurlement. Le loup serait un chasseur écologiste, qui dans son milieu naturel, permet la régulation des populations. Comme tous les animaux sauvages, il s’attaque en priorité aux animaux souffrants ou blessés. Bien entendu, il arrive que le loup attaque des brebis domestiques, mais selon le chercheur, il serait possible de l’éviter.
Comment pourrait-on éviter les attaques ?
Pierre Jouventin est absolument certain que les bergers peuvent se protéger du loup. Il prend pour exemple, les pays dans lesquels les loups sont bien plus présents qu’en France. Mais pour cela, il faut y mettre les moyens : clôture, chiens de protection (patous) et bien sûr des bergers à demeure dans les pâturages.
Le chercheur ne fait pas du loup un animal inoffensif et reconnaît qu’il peut causer bien des dégâts sur un troupeau. Mais il est catégorique sur le fait que les hommes et les loups peuvent cohabiter.
Une mauvaise gestion du loup ?
Le chercheur pointe du doigt la mauvaise gestion du problème en France: ici, les bergers victimes des attaques de loup sont indemnisés à la bête perdue, et la valeur d’indemnisation est plus importante que la valeur même de la bête tuée. Pour le spécialiste, ces pratiques font que certains bergers ne surveillent pas assez leurs troupeaux, et se font indemniser en cas d’attaque. Ce qui amplifie encore la peur du loup et la mauvaise image qui lui colle aux poils. Par exemple, en Allemagne, lorsqu’un troupeau est attaqué, les autorités viennent vérifier que le troupeau est parfaitement protégé. Ce n’est pas le cas en France. Pour éviter les attaques de loup, le chercheur préconise des financements de l’Etat pour des équipements de protection, au lieu d’indemniser après l’attaque. Prévenir plutôt que guérir, qui connait?
Les tirs de loup incriminés
Dans certains départements et à certains moments, les tirs dérogatoires permettent de tuer des loups. Mais selon le spécialiste, ces tirs auraient finalement un effet pervers: tuer les loups d’une meute force ceux qui restent à devenir des loups solitaires, et dans une meute, seuls les loups dominants chassent pour manger; les jeunes loups, sans expérience vont donc aux proies les plus faciles : les moutons et brebis domestiques ! Pierre Jouventin sait que la mauvaise image du loup porte préjudice à l’espèce animale entière, mais il est persuadé que les loups finiront par réinvestir l’Occitanie et parviendront à cohabiter avec les Hommes… Encore faut-il vouloir y mettre les moyens.