Les requins gris de récif sont une espèce qui intrigue les chercheurs du fait de leur mode de vie inhabituel. Ils n’arrêtent pas de nager et restent donc tout le temps éveillés. En fait, pour rester en vie, ils sont obligés de bouger sans cesse afin d’extraire suffisamment d’oxygène avec leurs branchies.
Cela ne veut pas toutefois dire que l’animal ne se repose jamais. Il a juste une manière un peu particulière de le faire : il « surfe » sur les courants marins. C’est en tout cas ce que suggère une nouvelle recherche menée par Yannis Papastamatiou, chercheur affilié à la Florida International University, en collaboration avec une équipe internationale de scientifiques.
Des requins nageant à contre-courant
Dans le cadre d’un programme de recherche visant à étudier le comportement de chasse nocturne des requins gris de récif dans le canal sud de l’atoll de Fakarava, en Polynésie française, Papastamatiou et ses collègues ont fait une découverte inattendue.
Ils ont trouvé des centaines de spécimens de Carcharhinus amblyrhynchos (nom scientifique du requin gris de récif) en train de surfer en flottant sur les courants ascendants. Lors d’une plongée, le scientifique affirme avoir observé des requins qui nageaient à contre-courant, bougeant à peine leur queue.
Puis, quelque chose de vraiment étrange a attiré son attention : ceux-ci glissaient vers l’arrière, laissant le courant les ramener à la position de départ. « C’était comme une sorte d’étrange tapis roulant. Les requins avançaient à contre-courant, étaient ramenés en arrière, puis avançaient à nouveau ».
Un modèle biomécanique
Pour observer ce comportement intrigant sans perturber les animaux par leur présence, les scientifiques ont équipé quelques spécimens d’une combinaison de balises de suivi acoustique et de caméras sous-marines. Grâce à ces dispositifs, l’équipe a pu créer un modèle biomécanique pour calculer la dépense énergétique des requins qui trainaient dans les courants ascendants.
Il s’avère qu’en adoptant ce mode de nage spécifique, les requins économisent au moins 15 % d’énergie. Pour un animal qui ne peut pratiquement jamais cesser de nager, le fait de surfer lui procure donc un repos bien mérité.
Une découverte fortuite
À noter que les chercheurs s’étaient rendus en Polynésie française afin d’étudier le comportement des requins gris de récif après la tombée de la nuit lorsque les eaux de la région deviennent un terrain de chasse. Mais c’est au cours des plongées de jour que Papastamatiou s’est rendu compte que de nombreux requins restaient dans le canal sud de l’atoll de Fakarava même s’ils ne chassaient pas.
Divers appareils pour mieux comprendre le comportement du requin gris de récif
L’équipe a utilisé un sonar multifaisceaux pour prédire et cartographier les endroits où des courants ascendants pourraient se produire. Des dispositifs de suivi ont également été installés dans les zones ciblées. Grâce à ces appareils, les scientifiques ont pu confirmer que les requins choisissent bien de rester dans les courants ascendants pendant la journée, adaptant leur position pour limiter au mieux leurs efforts physiques. La recherche a été publiée dans le Journal of Animal Ecology.
« Cette étude est une belle démonstration des paysages marins énergétiques, une représentation spatiale de la quantité d’énergie qu’il faut à un animal pour se déplacer dans un environnement », a déclaré Papastamatiou.
https://www.youtube.com/watch?v=LYBBpE2fO3c