Le conflit qui se déroule en Ukraine depuis le 24 février dernier commence déjà à entraîner certaines conséquences dans le monde… Vous cherchez peut-être à vous procurer de l’huile de tournesol, mais c’est un peu compliqué, et elle est très chère: près de 4€ le litre ! C’est « normal », 50% de la production mondiale est ukrainienne, et 30% est russe. Pour produire plus en France, il faudrait révolutionner les méthodes agricoles, mais également trouver des engrais efficaces et moins polluants que les engrais azotés de synthèse. Depuis de nombreuses années, un homme, Fabien Esculier, chercheur au Laboratoire Eau Environnement et Systèmes Urbains (Leesu), travaille sur les déchets organiques humains pour remplacer les engrais chimiques. Selon lui, l’urine humaine aurait toutes les qualités pour remplacer les engrais azotés ! Explications.
La thèse de Fabien Esculier
Pour pousser, « les plantes ont besoin de nutriments, de l’azote, du phosphore et du potassium« , explique le chercheur. A l’heure actuelle, les agriculteurs utilisent des engrais azotés de synthèse pour doper la croissance de leurs semences. Mais, ces engrais, lorsqu’ils sont utilisés à l’excès, provoquent une pollution environnementale. De plus, le conflit actuel fait flamber leurs prix. Ils deviennent si chers, qu’il va falloir trouver rapidement une alternative aussi efficace mais moins polluante que les engrais azotés. Pour le chercheur, l’urine humaine répond à tous les critères. En effet, lorsque nous nous alimentons, nous absorbons des nutriments qui sont rejetés par l’urine. Utiliser les excréments comme engrais n’est pas une nouveauté, le fumier en est un parfait exemple que l’on utilise depuis « la nuit des temps ». Pour les urines, il y a encore certaines barrières à dépasser.
Dépasser les barrières psychologiques
Le constat du chercheur est donc sans appel : oui, l’urine humaine pourrait être un engrais parfait pour répondre à la problématique de l’explosion démographique, qui fera exploser les besoins en alimentation. Mais les clichés ont la dent dure, et pour engraisser les cultures à l’urine, il faut encore dépasser les barrières psychologiques. Et, également trouver une solution pour récolter les urines, et les séparer des matières solides, car en France, cette séparation des matières organiques n’en n’est qu’à ses balbutiements. Cela existe déjà en Suède depuis plus de vingt ans, en Suisse, ou encore en Allemagne. En France, quelques projets émergent comme le restaurant 211 à Paris, où le propriétaire Fabien Gandossi propose des toilettes sèches et la récupération des urines. Les clients sont un peu décontenancés, mais finalement les retours sont positifs, car cela ne change pas grand-chose à leurs habitudes !
Les Français sont-ils prêts à manger ces aliments ?
Selon Marine Legrand, anthropologue, il y a bien des verrous à faire sauter, pour que la perception des gens change. Et cela pourrait être possible, car nous prenons peu à peu conscience de la préciosité de l’eau, et de l’aberration d’utiliser de l’eau potable pour faire nos besoins. Toujours selon l’anthropologue, le taux d’acceptation est assez fort en Chine ou en France, mais très faible au Portugal par exemple. A Paris, dans un éco quartier de 600 logements, Paris & Métropole Aménagement installera des toilettes qui sépareront les urines des matières fécales. Les urines seront ensuite stockées puis envoyées vers une micro-usine. L’ammonium des urines sera ensuite transformé en nitrate, puis les bactéries seront éliminées et le résiduel purifié. De cette purification naîtra un engrais qui sera utilisé dans les jardineries ou par des particuliers. L’urine n’est pas un vecteur de maladies, et ne nécessite pas de lourds traitements pour la purifier. L’utilisation de l’urine comme engrais est encore très intimiste, mais avec ce conflit qui perdure et les contraintes économiques qui vont en découler, cela pourrait très vite changer.