Malgré les menaces liées au réchauffement climatique pour les habitants des littoraux, les futurs acheteurs ne semblent pas se décourager quant à l’idée de s’installer en bord de mer. Dans une interview accordée à France Tv Info, Jean-Paul Vanderlinden, professeur d’économie écologique à l’Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines, tente d’expliquer pourquoi certaines personnes continuent d’aller dans ce sens, malgré la catastrophe annoncée.
Selon lui, les habitants ont bien conscience du danger mais font abstraction des discours alarmistes. Vivre en bord de mer, est, pour certains, un privilège, et le réchauffement climatique ne semble pas y changer grand chose. Explications.
La montée des eaux, un phénomène à prendre en considération
Pour le professeur, la montée des eaux n’est pas seulement une affaire de physique ou de mécanique des fluides. C’est une réalité avec laquelle nos pays devront vivre, car elle aura évidemment un impact climatique, mais également social, économique et politique. Et on peut s’attendre à ce qu’elle provoque des inégalités sociales puisque certaines régions seront plus menacées que d’autres.
Jean-Paul Vanderlinden s’intéresse beaucoup à l’adaptation au changement climatique dans les zones côtières.
L’élévation du niveau marin
Pour le scientifique, la première chose à prendre en considération est l’élévation du niveau marin: en effet, la fonte des glaciers et la dilatation thermique des océans entraîneront forcément une montée des eaux, et avec elle, l’engloutissement de certains littoraux. Selon le récent rapport du GIEC, le niveau marin grimpera d’un mètre environ d’ici 2100 si nous continuons à produire les mêmes quantités de gaz à effet de serre. Les tempêtes, fréquentes sur nos littoraux, causent également une surélévation du niveau des mers. Avec le réchauffement climatique, les événements naturels s’intensifient, les tempêtes sont plus violentes; par conséquent, les vagues aussi, provoquant une érosion plus rapide et plus importante.
Comment les habitants estiment-ils ce risque ?
Le chercheur explique que les habitants des littoraux entendent ce que les scientifiques leur disent, mais ne voient pas ce phénomène comme un risque imminent. Les habitants de la côte atlantique se savent plus exposés que les franciliens mais n’en n’ont finalement pas vraiment conscience… Le professeur avance également certains traits politiques de ces annonces: les habitants raisonnent aussi en fonction des gouvernements en place. En fait, un opposant au gouvernement en place aura tendance à faire fi de ce qu’il qualifie de « on dit » !
Les gens raisonnent en termes de protection contre la montée des eaux, mais pas en termes de vrais risques pour eux. Ils se disent qu’il sera possible de bloquer la montée des eaux par des infrastructures. Or, les scientifiques estiment qu’à un moment donné, aucune infrastructure ne pourra plus empêcher quoique ce soit.
Les gens semblent finalement penser que s’ils vivent dans des endroits dangereux, c’est parce que les autorités ne prennent pas de mesures suffisantes. Ils n’ont pas une réelle connaissance de l’information et pensent que tout est encore possible pour contrer la montée des eaux.
Un manque d’information ?
Pour Jean-Paul Vanderlinden, ce mécanisme de protection n’est pas forcément conscient. Le manque d’information serait plus en cause et les habitants éprouveraient un sentiment d’injustice par rapport à d’autres habitants non menacés. Si la menace de la montée des eaux impacte sur les conditions matérielles, ou la difficulté à se nourrir ou à se loger, alors les gens font abstraction de cette information de mauvais augure.
Que faudrait-il faire alors ?
Pour le chercheur, il faut donner la possibilité aux scientifiques d’exprimer des informations contradictoires, et sans jugement. Tout n’est pas bon ou mauvais, et dans le discours actuel, on ne ressentirait que le mauvais côté des choses. Concrètement, il faudrait que l’information ne soit pas à un sens unique mais que les personnes concernées puissent aussi donner leurs avis.
Et il explique que « Personne n’a envie de se noyer. Et pourtant, des gens se surexposent en zone d’inondation. Il y a là une vraie conversation qui doit exister. Pas une leçon ou une injonction, mais une conversation où il faut réconcilier le désir de ne pas se noyer avec la matérialité de l’existence et nos valeurs. »
Et il faudrait aussi que les gens prennent conscience que, si, eux ne sont pas directement impactés par la montée des eaux, leur descendance le sera. Il faudrait en fait encourager les gens à penser plus loin que leur propre existence… Pour conclure, il explique que tant que les gens n’auront pas suffisamment d’information et une prise de conscience réelle du futur de la Terre, les gens continueront à s’installer sur les littoraux, et donc à se voiler la face.