La filière ciment participe significativement à l’effet de serre, et donc au dérèglement climatique. Le processus de fabrication de ce matériau débouche sur des émissions de CO₂ non négligeables. Pour obtenir du clinker, composant principal du ciment, le mélange de calcaire (80 %) et d’argile (20 %) doit être cuit dans un four rotatif à plus de 1 450 °C. Les fabricants recourent donc à une grande quantité de combustibles fossiles afin d’atteindre cette température extrêmement élevée. Face au défi climatique actuel, la réduction de l’empreinte carbone de cette filière est inéluctable. Dans ce sens, Synhelion, spécialiste de carburants solaires, et Cemex, fabricant international de matériaux de construction, travaillent depuis plus de trois ans sur le développement d’une technologie de production de clinker solaire neutre en carbone. Après la réussite de l’expérimentation du prototype en 2022, le système est actuellement mis à l’échelle. Décryptage.
En quoi cette nouvelle approche consiste-t-elle ?
Cette méthode de production de clinker décarbonée comprend deux étapes essentielles. La première consiste à substituer l’usage de carburants fossiles à celui de la chaleur solaire à haute température. Cela serait possible grâce à une technologie de récepteur solaire développée par Synhelion. La deuxième étape est la capture du dioxyde de carbone émis, qui est ensuite transformé en combustibles synthétiques de substitution (kérosène, essence, diesel…). Cette nouvelle approche permettrait d’atteindre un niveau net zéro d’émission de CO₂ tout au long du processus de fabrication du ciment.
Ce récepteur solaire serait capable de fournir de la chaleur industrielle à des températures au-delà de 1 500 °C. C’est une alternative renouvelable et propre à la combustion de combustibles fossiles. Les émissions de CO₂ générées lors de la cuisson des matières premières (calcaire + argile) sont mélangées au fluide caloporteur du récepteur. Le système en boucle fermée permet de capturer facilement le dioxyde de carbone, selon ses concepteurs.
L’expérimentation du système à plus grande échelle
L’an dernier, les entreprises ont dévoilé le succès de l’essai de leur procédé de production de clinker solaire. Leurs équipes avaient obtenu des résultats probants lors du projet expérimental par lots à petite échelle. En 2023, elles procèdent à la phase d’expérimentation de la technologie dans des conditions proches du réel, et ce, de manière continue. Les ingénieurs vont récolter de nouvelles mesures qui seront utilisées pour la construction d’une cimenterie solaire pilote à l’échelle industrielle. Étant donné l’évolution du projet actuellement, Fernando A. González, PDG de Cemex, pense que fabriquer du ciment neutre en carbone est bien réalisable.
Selon Gianluca Ambrosetti, co-CEO et co-fondateur de Synhelion, le développement de ce système de production de clinker propre constitue un grand pas vers la décarbonation de la filière ciment. Sa mise à l’échelle est, en effet, une étape passionnante pour toutes les équipes impliquées dans ce projet. D’ailleurs, Ambrosetti espère que d’autres technologies novatrices verront le jour dans le secteur grâce à des recherches et à des tests stricts.
Une collaboration sérieuse entre les deux entreprises
Le partenariat entre Synhelion et Cemex a obtenu une mention honorable dans la catégorie Eco-Innovator des Corporate Citizenship Innovation Awards, parrainé par le Boston College Center for Corporate Citizenship. Avec les laboratoires nationaux Sandia, ces sociétés ont également reçu un financement de 3,2 millions de dollars du département américain de l’énergie afin de réaliser leur projet « Hydromel Solaire ». Plus d’informations : Synhelion.com
Un procédé solaire est dépendant de la présence du soleil, par conséquent il est intermittent, ce qui est difficilement compatible avec les contraintes industrielles ou celles de la concurrence.