Dans les temps anciens, nos ancêtres avaient parfois des pratiques étranges pour secourir leur prochain… Dans les années 1800, une personne victime de noyade n’avait pas grande chance de revenir à la vie. C’est toujours un peu semblable aujourd’hui, tout dépend de l’eau entrée dans les poumons. Mais, les chances de survie sont quand même plus grandes depuis que l’on sait faire un massage cardiaque, et que le défibrillateur existe… La pratique de cette époque consistait à insérer un tuyau dans l’arrière train du noyé, et de lui souffler dans le derrière, pour faire remonter l’air dans ses poumons et le réanimer. Étrange, on vous l’accorde, mais c’était ainsi. Retour sur cette pratique peu catholique tout de même…
La technique du soufflage dans le derrière
Dans les années 1760, les Parisiens découvrent un nouveau loisir très prisé : les baignades dans la Seine ! Vous imaginez alors que ces personnes, n’ayant pas appris à nager, sont nombreuses à se noyer dans le fleuve parisien. À cette époque, les réanimations se limitent au bouche-à-bouche et aux frictions à l’eau-de-vie, mais les réanimateurs échouent la plupart du temps… On ne sait pas trop qui pense, un jour, que la fumigation de tabac par le fondement pourrait sauver des vies. En d’autres termes, il s’agit de souffler de la fumée de tabac dans le derrière du noyé ! René-Antoine de Réaumur, médecin respecté de l’époque, croit dur comme fer en cette pratique et la répand partout en France. Elle sera utilisée au XVIIIᵉ siècle et jusqu’au début du XIXᵉ, et considérée comme une technique médicale…
Les boites fumigatoires et leur contenu
Une circulaire du ministre de l’Intérieur explique l’importance des boites fumigatoires pour venir au secours des noyés. Il joint également la description d’un contenu type d’une boite fumigatoire:
Le contenu d’une boite fumigatoire. CETTE boite doit contenir les objets suivants : deux frottoirs de flanelle ; un bonnet de laine ; une couverture de laine ; deux bouteilles d’eau-de-vie camphrée, animée avec de l’alcali fluor, ou esprit volatil de sel ammoniac ; un gobelet d’étain ; une canule à bouche, avec son tuyau de peau ; une petite cuiller de fer étamé ; un flacon d’alcali fluor ; une boite contenant plusieurs paquets d’émétique, de trois grains chacun ; le corps de la machine fumigatoire ; un soufflet à une âme, pour être adapté à la machine ; quatre rouleaux de tabac à fumer, de quinze décagrammes (demi-once) chacun ; de l’amadou, un briquet et une boite d’allumettes ; des plumes pour chatouiller le dedans du nez et de la gorge ; deux bandes à saigner.
Comment fonctionnait le fumigatoire ?
La notice « Manière de se servir de la Boite fumigatoire » expliquait comment le faire fonctionner:
- Déshabiller le noyé, le mettre sur un matelas s’il est possible, la tête plus élevée que le corps, et placé sur le côté, l’essuyer avec la flanelle, le couvrir du bonnet.
- Faire entrer l’air dans les poumons, en soufflant dans la bouche par le moyen de la canule.
- Introduire dans les intestins de fumée de tabac par le fondement, en se servant de la machine fumigatoire.
- Chatouiller le dedans du nez et de la gorge avec la barbe d’une petite plume, souffler dans le nez du tabac, présenter de l’esprit volatil de sel ammoniac, ou de la fumée de tabac, qu’on tirera de la machine fumigatoire, si elle est allumée.
- Frotter toute la surface du corps avec une flanelle imbibée d’eau-de-vie camphrée, en faire prendre successivement une ou deux cuillerées, si le malade peut les supporter.
Serait-ce le prédécesseur du défibrillateur ?
Par ailleurs, vous avez probablement déjà aperçu dans certains lieux publics des défibrillateurs qui permettent de porter les premiers secours à une victime d’un malaise cardiaque… À l’époque du soufflage dans le derrière, les hautes autorités médicales imaginent alors des boîtes qu’ils appellent « boîtes fumigatoires » laissées à la disposition des habitants, près des cours d’eau. En cas de noyade, le nécessaire est donc disponible pour tous ! En 1778, la presse fait l’écho des boîtes fumigatoires et les présente comme « une des découvertes les plus importantes pour l’humanité, les boites fumigatoires destinées à rappeler à la vie les noyés. »
Les autres techniques ancestrales de réanimation
Commençons peut-être par remercier Monsieur Kouwenhoven qui a développé et perfectionné le premier défibrillateur cardiaque électrique sur « poitrine fermée » en 1957. L’invention de la réanimation par soufflage dans le derrière apparaît dans les romans de Rabelais ainsi que dans l’ouvrage de référence de l’époque : « Dissertation sur l’incertitude des signes de la mort et l’abus des enterrements et embaumements précipités » publié en 1742 par les médecins Winslow et Bruhier. Ce livre, très drôle à lire en 2022, nous apprend donc que les danseurs sont les maitres du souffle vital qui réaniment les corps à la fin de l’hiver, et on les surnomme les « souffle-à-culs » … Sinon, les autres techniques de réanimation consistaient à uriner dans la bouche de la victime, ou encore à la coucher entre deux personnes intégralement nues, ou de la recouvrir de fumier… Mmm qu’il faisait bon vivre à cette époque, n’est-ce pas ?