Le 23 mai dernier, le petit village de Réau, situé en Seine-et-Marne, inaugurait une « station-service » du futur, pionnière de la région Île-de-France. Cette station-service n’a rien en commun avec les autres stations, mis à part peut-être qu’elle distribue du carburant. Cependant, ce ne sont pas des carburants classiques qui sortent des pistolets, mais uniquement du gaz naturel. Plusieurs partenaires se sont unis pour que cette station voie le jour : Sigeif Mobilités, Engie, l’EPA de Sénart, l’agglomération Grand Paris Sud et, bien sûr, la commune de Réau et son maire Alain Auzet. Et si cette station est innovante, c’est aussi parce qu’elle produira uniquement du Bio Gnc, soit du gaz naturel produit à partir de déchets agricoles ou alimentaires. Une partie de ce gaz sera d’ailleurs produite à quelques mètres de la station, grâce à un méthaniseur flambant neuf. Découverte.
L’interview du maire de Réau, Alain Auzet
Nous avons interrogé le maire de cette petite commune de moins de 2 000 habitants, qui a fait de ce projet un élément central du développement de sa commune. Installée au sein d’un parc logistique, la station-service est placée à un endroit stratégique où de nombreux poids lourds transitent chaque jour. Voici l’interview d’Alain Auzet, maire de Réau depuis 2011 :
Quelles ont été vos motivations, en tant que maire d’une petite commune de 1 800 habitants, pour qu’un projet de cette envergure soit installé sur votre territoire ? « Un parc d’activités logistique est installé sur notre territoire : le parc de l’A5. Il est fréquenté par des centaines de camions chaque jour. La plupart des poids lourds roulent au diesel, et sont générateurs d’une pollution importante. La station biocarburants permet de faire muter ces flottes de véhicules vers une solution d’avitaillement plus propre, largement décarbonée. »
Selon vous, que cela peut-il apporter à votre commune ? « Cet équipement va contribuer à diminuer la pollution engendrée par les poids lourds qui empruntent le territoire de la commune. Par rapport à un véhicule diesel, Le bioGNC réduit de 80 % les émissions de CO², il supprime quasiment les émissions de particules fines et divise le bruit des moteurs par deux. »
Avez-vous modifié votre PLU (Plan Local d’Urbanisme) afin que cette installation soit possible ? Était-ce pour vous une évidence, et pourquoi ? « Nous n’avons pas modifié le PLU pour ce projet. Nous l’avons modifié une première fois pour permettre l’installation d’un méthaniseur agricole puis une seconde fois pour rendre possible l’installation d’un déconditionneur de biodéchets, qui alimente le méthaniseur. En revanche, nous avons travaillé en concertation avec l’Établissement Public d’Aménagement (EPA) de Sénart sur le projet de station, tout au long du processus de décision. »
Une partie du biogaz distribué sera produite à quelques mètres de la station, était-ce, pour vous, important que ce processus se déroule en circuit court ? « Oui, nous avons permis l’avènement d’un écosystème « biogaz » sur la commune. Le méthaniseur, alimenté par des intercultures agricoles et les biodéchets du déconditionneur, produit du biogaz qui est injecté dans le réseau de GRDF. Ce biogaz alimente en grande partie la station multi-énergies. Le digestat (la part résiduelle non transformée en gaz) est épandue dans les champs et réduit l’utilisation d’engrais chimiques. C’est véritablement une « boucle vertueuse ». »
Comment souhaitez-vous que cette station du futur évolue ? « Le biogaz est une première solution efficace, mobilisable immédiatement. Mais, la décarbonation du transport prendra certainement d’autres formes dans le futur. Nous en connaissons déjà une : l’hydrogène. C’est pourquoi la station a été conçue pour permettre à terme l’alimentation en hydrogène. Pour le moment, la demande du marché n’est pas suffisamment importante. D’autre part, il faut de l’électricité pour le fabriquer. Il est donc essentiel que l’électricité utilisée dans sa fabrication soit décarbonée. »
Depuis le premier trimestre 2023, la station de Réau en Seine-et-Marne offre aux acteurs économiques locaux la possibilité de se ravitailler en gaz naturel liquéfié (GNL) et en gaz comprimé (GNC), tous deux composés à 100 % de biométhane. Ce biométhane sera principalement fourni par le futur méthaniseur Sénart Bioénergie, situé sur la même commune de Réau. Ce projet est réalisé en partenariat avec ENGIE Entreprises & Collectivités.
Mais au fait, le Bio Gnc, qu’est-ce que c’est ?
Le gaz naturel comprimé renouvelable (GNR), également connu sous le nom de gaz bio GNC (Gaz Naturel Comprimé), est une alternative de carburant utilisée dans les véhicules. Il est produit à partir de sources renouvelables telles que les déchets organiques, les résidus agricoles, les stations d’épuration des eaux usées ou les cultures énergétiques. Le processus de production du GNR débute par la collecte de ces matières organiques, qui sont ensuite soumises à une fermentation anaérobie. Cette fermentation produit du biogaz, surtout composé de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2), ainsi que de petites quantités d’autres gaz. Pour obtenir du GNR, le biogaz est ensuite soumis à une purification et à une compression afin d’atteindre une pression plus élevée. Une fois cela réalisé, le GNR est stocké et distribué via des stations de ravitaillement spéciales, qui permettent de l’alimenter dans les véhicules équipés de moteurs compatibles avec ce carburant.
Quels sont les avantages du Bio GNC ou GNR ?
Le GNR présente plusieurs bénéfices environnementaux par rapport aux carburants traditionnels. Tout d’abord, il est considéré comme une énergie renouvelable, car il est produit à partir de sources organiques qui se régénèrent naturellement. De plus, la combustion du GNR produit moins de gaz à effet de serre et d’émissions polluantes, telles que les oxydes d’azote (NOx) et les particules fines, par rapport aux carburants fossiles tels que l’essence ou le diesel.
Ces carburants émettent jusqu’à 80 % moins de CO₂ que le diesel tout en restant rentables pour les transporteurs. Le GNR est également avantageux en termes de réduction du bruit, car les moteurs fonctionnant au GNR sont généralement plus silencieux que les moteurs à combustion interne classiques. L’utilisation de biogaz réduit, en moyenne, les émissions sonores de moteurs de 50 %.
Pourquoi cette station est-elle une « station du futur » ?
Une station d’avitaillement multi-énergie en biogaz est une installation dans laquelle les véhicules peuvent être approvisionnés en gaz naturel comprimé (GNC) ou en gaz naturel liquéfié (GNL) à partir de sources renouvelables telles que le biogaz. L’idée principale derrière une station d’avitaillement multi-énergie en biogaz est de proposer une alternative durable et respectueuse de l’environnement aux carburants fossiles traditionnels. En plus du biogaz, ces stations peuvent, par ailleurs, offrir d’autres carburants alternatifs tels que l’hydrogène, l’électricité ou des mélanges de biocarburants.
La station de Réau proposera d’ailleurs de l’hydrogène dans un avenir plus ou moins proche. Les stations d’avitaillement multi-énergie en biogaz jouent un rôle important dans le développement de l’infrastructure de ravitaillement en carburants alternatifs et favorisent l’adoption de véhicules propres et respectueux de l’environnement. Ces stations procurent une solution prometteuse pour la transition vers des transports plus durables et contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la dépendance aux combustibles fossiles.