Il y a un demi-siècle environ, dans les années 1950 et 1960, plusieurs pays du monde se livraient à des essais nucléaires, dont les Etats-Unis, le Mexique et d’autres pays. La majorité des détonations se sont produites au-dessus des îles Marshall dans l’océan Pacifique et Novaya Zemlya, un archipel arctique du nord de la Russie. D’autres tests avaient également été effectués au Nouveau-Mexique et au Nevada.
Justement, si on peut estimer que ces événements datant de la guerre froide sont derrière nous, les conséquences auraient néanmoins perduré, comme nous le prouve une étude menée par des chercheurs de l’Université William & Mary de Williamsburg, en Virginie. En effet, le chercheur principal Jim Kaste, géochimiste environnemental au sein de cette université savait déjà que retombées des centaines d’armes nucléaires testées subsistaient toujours dans l’atmosphère et dans l’environnement.
Des retombées radioactifs issues de la guerre froide sont toujours présentes dans notre environnement
Particulièrement, le césium 137, un isotope radioactif qui est un sous-produit de la fission nucléaire résultant de la réaction de l’uranium et du plutonium, dont des traces persistent dans des produits alimentaires en raison de la contamination nucléaire de l’environnement.
Jim Kaste, qui est aussi professeur, a alors décidé en 2017 de démontrer la présence de ces contaminants radioactifs dans l’environnement actuel à ses élèves. Il leur demande donc de rapporter des aliments locaux dans les endroits où ils passent leurs vacances. Les élèves ont alors ramené plusieurs échantillons de fruits, de noix, de miel et d’autres aliments.
Le détecteur de gamma a révélé que la majorité de ces aliments ne présentait plus que de très faibles traces de césium-137. Mais ce ne fût pas le cas d’un pot de miel d’un marché fermier de la Caroline du Nord.
Le miel contient cent fois plus de césium-137 que les autres aliments
Même Jim Kaste ne s’attendait pas aux chiffres révélés par le détecteur. Il affirme dans un communiqué qu’il a refait les mesures parce qu’il pensait à une anomalie au niveau du conteneur ou de son détecteur. Néanmoins, il a du ensuite se rendre à l’évidence : le détecteur affichait un niveau de césium-137 cent fois supérieur aux autres aliments.
Pour expliquer ce niveau élevé de césium-137, Kaste et son équipe ont testé 122 échantillons de miel brut, pur et non filtré. Ces miels étaient fabriqués localement et provenaient des différents marchés et apiculteurs à l’est des Etats-Unis. Ils ont découvert que 68 échantillons de miel présentaient des traces notables du césium-137. Selon les chercheurs, c’est l’effet cumulatif de toutes les détonations du XXème siècle qui aurait pu libérer plus de rayonnements ionisants dans l’atmosphère que tout autre événement de l’histoire humaine.
Fort heureusement, cet isotope radioactif n’est plus nocif pour notre santé
Dans leur étude parue dans Nature Communications, les chercheurs affirment que « la plupart des détonations atmosphériques étaient si puissantes que des dizaines de produits de fission radioactifs ont été injectés dans la stratosphère et distribués dans le monde avec un temps de résidence d’environ un an » avant que les précipitations ne les déposent sur la terre.
Ils ajoutent également que « la présence de pollution radioactive provenant des essais nucléaires est omniprésente dans le monde et détectable sur tous les continents et même dans les tranchées océaniques profondes ». La bonne nouvelle, c’est que même si le niveau de césium-137 dans le miel est conséquent, il n’est pas nocif pour les humains. En effet, son seuil de radioactivité est en dessous de 50 à 100 becquerels par kilogramme.
Néanmoins, c’était probablement une autre histoire il y a un demi-siècle de cela. Comme dit Kaste, « ce que nous voyons aujourd’hui est une petite fraction du rayonnement qui était présent pendant les années 60 et 70. Et nous ne pouvons pas dire avec certitude si le césium-137 a quelque chose à voir avec l’effondrement des colonies d’abeilles ou le déclin de la population ».