Vous venez de disposer le sapin dans le salon, avez dégagé un créneau pour partager ce moment avec vos enfants ou votre ami(e) qui, de son côté, a même déjà enfilé son pull en laine rouge et vert décoré de rennes. Vous entendez parlé des achats, devez répondre à l’éternelle question « tu veux quoi toi pour les fêtes? » et tout ceci, loin de vous surexciter, vous file même franchement le cafard…
Dans une interview accordée au site TopSanté, le docteur Fanny Jacq, directrice de la santé mentale chez Qare et psychiatre, décrypte le phénomène afin de rendre cette période moins pénible pour les personnes atteintes de ce trouble anxieux, appelé natalophobie.
Un calvaire aux allures féériques
Pour beaucoup, Noël est l’occasion de passer du temps en famille, soigner sa décoration, préparer de bons petits plats, se couvrir de cadeaux, voir les enfants émerveillés et s’embrasser au pied du sapin. Un tableau idyllique, véhiculé par les films de Noël qui inondent nos écrans à peine Halloween passé. Mais cette perspective plonge d’autres personnes dans l’angoisse, la déprime, et peut générer un profond sentiment de mal-être.
Ce décalage avec l’ambiance générale peut être à l’origine d’une impression d’extrême solitude: qui oserait expliquer à quel point Noël nous déprime, qu’on a ni envie de venir manger le soir du 24, ni d’être obligé d’acheter tout un tas de trucs dont personne n’a vraiment besoin ? (et qui seront surement échangés courant janvier grâce au petit ticket (sans prix bien sur) glissé dans le paquet).
Le fait de s’obliger à faire semblant peut être à l’origine d’une souffrance psychologique, selon Fanny Jacq, qui préconise de s’écouter. Au travers de quelques séances prévues avant la période des fêtes, la psychiatre indique « Il s’agit de travailler contre la culpabilité et contre la honte : la culpabilité de ne pas aimer les fêtes de fin d’année, la honte de ne pas vivre un Noël « parfait »… »
Des souvenirs pas toujours merveilleux
Les coups durs dans une vie ne préviennent pas toujours, et il arrive que la période de Noël ravive des souvenirs douloureux, comme la décès d’un proche, ou une situation familiale des plus complexes; à nouveau, un travail avec un psychologue ou psychiatre peut s’avérer nécessaire, comme l’indique la docteur Jacq, afin d’identifier l’origine de cette souffrance et de guérir la blessure. Il y a aussi des personnes terriblement seules, toute l’année, pour qui cette période décuple le sentiment de solitude, de tristesse et parfois de nostalgie…
La encore, il n’y a aucune honte à être accompagné(e), pour parler de ce qui nous traverse, ou simplement mieux accepter la réalité: « Assumez d’avoir des problèmes d’argent, d’avoir des difficultés à sociabiliser, d’être quelqu’un de solitaire… pour mieux vivre cette situation et éventuellement parvenir à progresser : c’est une démarche d’auto-acceptation qu’un psychologue / qu’un psychiatre pourra vous aider à accomplir » assure Fanny Jacq.
Un parallèle avec la dépression post partum
La directrice indique que cette souffrance peut être comparée à celle ressentie par les mamans dans les mois qui suivent leur accouchement. En effet, le décalage entre la réalité et le fantasme peut être à l’origine du mal-être dans les deux cas. Lorsque notre situation familiale ou financière n’est pas idyllique et que rien ne laisse présager des fêtes de fin d’années passées dans la joie et l’opulence, voir nos amis ou collègues pris dans l’euphorie de Noël (ou les téléfilms dont le scénario tient sur un post-it) nous renvoie à notre propre et douloureuse réalité.
De même, une maman qui rencontre des difficultés à rentrer en relation avec son bébé et qui verra les autres mères épanouies, jouissant pleinement de leur maternité, sera frappée par ce décalage, et surtout par ce qu’elle jugera être de l’ordre de son incompétence, de son incapacité à être (une bonne) mère. Dans ce genre de situation, on peut aisément penser que des questions comme « suis-je normal(e) »? –« Pourquoi ai-je le sentiment de voir tout le monde profiter pleinement des fêtes (ou du bébé hurlant), pendant que je passe tranquillement à côté de toute ce bonheur ? » puisse nous traverser l’esprit.
La période de Noël est à l’origine de sentiments et d’émotions diverses et variées, et voit lui succéder de quelques jours le temps des « résolutions » qui arrivent avec la nouvelle année. Un bilan pas toujours positif, qui peut lui aussi générer une profonde remise en question, propice à fragiliser la confiance en soi et à creuser le mal-être …
S’il est difficile parfois de prendre du recul, submergés par l’odeur enivrante du vin chaud ou des biscuits de Noël, s’accrocher à l’idée que ce n’est que temporaire (bien que très pénible) peut aider. Par ailleurs, l’arrivée imminente de l’hiver et la dépression saisonnière que certains connaissent ne facilitent pas la tâche.
N’hésitez pas à parler, à un professionnel ou à votre entourage, comme le préconise Fanny Jacq: « ne vous forcez pas à faire des choses que vous n’aimez pas : posez des limites et trouvez des compromis. (…) Vous avez le droit de ne pas apprécier les fêtes de fin d’année : n’hésitez pas à le dire, sans agressivité, à vos proches. »
Un accompagnement par un psychologue ou psychiatre peut s’avérer très utile pour apprendre à gérer l’arrivée de crises d’angoisses, et se débarrasser de ces troubles anxieux qui peuvent nous gâcher la vie !