Il est des notions devant lesquelles nous ne semblons pas égaux, et une en particulier avec laquelle certaines personnalités comme Mère Thérèsa, Martin Luther King Jr. ou encore Nelson Mandela se sont distinguées: l’altruisme. Celle-ci se définit de différentes façons selon les spécialistes en sciences sociales, qui poursuivent leurs investigations sur le sujet, et notamment sur la notion d’inné ou d’acquis concernant cette caractéristique.
Comment les chercheurs définissent précisément cet élan que certain(e)s ressentent envers autrui ? Quelles sont les expériences mises en place pour obtenir des résultats interprétables sur une notion qu’il est difficile de dissocier d’un comportement intéressé? Mais surtout, sommes-nous altruistes grâce à notre éducation, ou sommes nous prédisposés génétiquement à aider les autres ?
Une qualité héritable
Bon nombre de domaines s’intéressent à ce comportement, qui peut régir et conditionner le fonctionnement d’un individu, d’une famille mais aussi à plus grand échelle, d’une société. Ainsi, des médecins, psychologues, chercheurs en neurosciences mais aussi économistes tentent de percer les secrets de ce trait de personnalité intrinsèquement relié à notre empathie. Cette dernière se définit comme « une réponse émotionnelle qui est généralement liée à l’état ou à la condition émotionnelle d’autrui ».
Le philosophe Auguste Comte semble être le premier à avoir fait référence à l’altruisme au début du XIXème siècle. Depuis, les définitions qui lui sont prêtées ne cessent d’évoluer; Cardwell, Clark et Meldrum l’expliquent comme « une forme de comportement prosocial dans lequel une personne aidera volontairement une autre à un certain prix pour elle-même ». Mais le sujet est plus complexe qu’il n’y parait. En effet, Ricci et Anderson mettent en évidence deux types d’altruisme, dans leurs travaux datant de 1997:
- l’altruisme réciproque, qui consiste à effectuer une bonne action, avec comme première idée de potentiellement recevoir un retour (immédiat ou différé);
- l’altruisme biologique, qui implique d’aider autrui, mais plus particulièrement un membre de notre famille. Une notion d’instinct de survie de pérennité de notre lignée (et même de notre espèce à plus grande échelle) est ici sous-entendue, et avec elle, l’idée que nous serions programmés génétiquement pour aider nos proches.
Et justement, des chercheurs ont essayé de déterminer si l’hérédité jouait un rôle dans notre tendance à vouloir aider les autres (et pourquoi pas, sauver le monde). Mathews, Baston, Rosenman et Horn en 1981 mais aussi Rushton, Neale, Fulker, Blizard et Eysenck en 1983 ont effectué une série de mises en situation impliquant des jumeaux monozygotes et dizygotes, et les résultats furent sans appel: notre patrimoine génétique influence notre tendance à l’altruisme. Cela impliquerait donc que nous viendrions au monde avec la volonté d’aider les autres …
L’altruisme détectable chez les nourrissons
Plusieurs expériences ont été réalisées sur des bébés d’âges différents, et on commence à interpréter le regard de nourrissons de 3 mois comme une expression d’une forme d’altruisme. Mais dés l’âge de 6 mois, le doute disparait: dans un papier intitulé Social evaluation by preverbal infants paru en 2007, les chercheurs Hamlin, J.K., K. Wynn, et P. Bloom détaillent une expérience durant laquelle ils ont mis en scène une petite pièce de théâtre. Durant celle-ci, trois marionnettes interviennent:
- la première essaie d’ouvrir une boite mais éprouve des difficultés à lever complètement le couvercle;
- la deuxième arrive ensuite et vient porter secours à la première;
- la troisième au contraire vient sauter sur la boite, empêchant la première peluche d’atteindre son objectif.
A la fin du spectacle, on tend les deux dernières peluches simultanément au bébé qui vient tout juste d’assister à la scène. Les chercheurs ont pris soin lors de leur expérience d’éliminer toutes les variables pouvant influer sur le choix des bébés, comme la nature de la peluche, sa couleur, leur ordre d’intervention, etc. Et le résultat montre que les tout-petits se saisissent presque systématiquement de la marionnette aidante, ce qui montre une disposition à se rapprocher de l’acteur dit « prosocial ».
Par ailleurs, une étude parue dans Scientific Reports a mis en évidence l’empathie avérée chez des petits âgés de seulement 19 mois, se privant de leur nourriture à l’heure du repas pour la donner à un individu présentant des signes de faim.
Naître bienveillant(e)
Dans une société tendue ou l’entraide et la compréhension se font rares, il est bon de connaitre les mécanismes qui régissent notre bienveillance. Ces expériences montrent que dés les premiers mois, les nourrissons sont capable de juger la bonté d’une action ou son caractère malveillant; cette capacité ne semble donc pas conditionnée par notre apprentissage, notre éducation ou notre environnement.
En revanche, il semble logique d’en déduire que nos tendances égoïstes, notre manque d’indulgence envers autrui, tout comme notre indifférence face à la souffrance d’un paire puisse venir de notre environnement, éducation et autres influences mais surtout des épreuves à venir dans la vie de l’enfant, jusqu’à l’âge adulte. Nos relations et notre rapport à l’autre sont conditionnés par nos expériences passées, souvent douloureuses quand elles sont la cause de comportements agressifs, violents, ou tout simplement malveillants.
On sait que les relations interpersonnelles et les interactions avec autrui sont la source de beaucoup de bien-être, d’échanges stimulants mais aussi rassurants; par ailleurs, être capable de rentrer en relation implique un travail sur soi qui tend à démanteler la source de certains de nos préjugés, afin de se rapprocher d’une société ou exprimer notre profonde nature humaniste serait peut-être la clé…