La première rencontre avec la femme de sa vie est le genre d’événement qui ne s’oublie pas – même si elle remonte à plusieurs décennies. On se souvient de sa tenue et de sa coupe de cheveux. On peut également se rappeler ce que l’on était en train de faire avant de l’apercevoir. Se remémorer ce genre de souvenirs semble simple et banal.
En réalité, cela est le résultat de plusieurs mécanismes cérébraux complexes. Les chercheurs supposent que le cerveau encode les événements dans un ordre temporel. Il les fait ensuite ressortir sous forme de séquences. Cependant, le fonctionnement des souvenirs reste un mystère pour les scientifiques.
Une étude menée par une chercheuse du CNRS
Une nouvelle étude dirigée par Leila Reddy apporte un début de réponse à cette ambiguïté. La neurologue travaille pour le Centre de recherche sur le cerveau et la cognition au Centre national de la recherche scientifique en France (CNRS). Elle et son équipe sont parvenues à isoler certaines des voies neuronales responsables de l’enregistrement et du rappel des séquences chronologiques. La chercheuse détaille l’étude dans la revue scientifique américaine The Journal of Neuroscience.
Plusieurs expériences pour détecter des neurones spécifiques
L’équipe de Reddy a conçu deux expériences visant à détecter des neurones uniques dans le cerveau humain. Dans la première expérience, neuf participants ont dû mémoriser une courte séquence visuelle comprenant des images de fleurs, d’oiseaux et de Barack Obama. Ils ont regardé à plusieurs reprises la séquence, d’abord dans l’ordre, puis de manière aléatoire. Leurs réponses neuronales ont été surveillées, révélant que les cellules de leur cerveau se déclenchaient à des moments spécifiques tout au long de l’expérience.
Dans la deuxième expérience, six patients ont visualisé et mémorisé la même séquence. Ils ont aussi été sollicités pour anticiper l’image suivante dans le motif. Cette fois, l’équipe de Reddy a parfois interrompu la séquence pendant 10 secondes et n’a fourni aucun autre retour. Comme l’explique le site Vice.com, pendant les brèves interruptions, alors que les volontaires attendaient la reprise de la séquence, les cellules de leur cerveau traitaient toujours activement leur expérience temporelle malgré l’absence de stimuli.
Prochaine étape : comprendre l’encodage des souvenirs
Selon les chercheurs, les résultats reposent sur des cellules temporelles dans l’hippocampe. Notre cerveau utiliserait ainsi cette zone pour traiter l’ordre séquentiel des évènements et stocker des souvenirs épisodiques. Reddy évoque « un voyage mental dans le temps » pour désigner le fait de se souvenir de quelque chose de marquant.
La neurologue du CNRS ne compte pas en rester là. Elle entend mener de nouvelles expériences pour mieux comprendre le processus complexe qui se cache derrière la capacité de voyager mentalement dans le temps. « Comprendre les mécanismes d’encodage du temps et de la mémoire sera un important domaine de recherche », précise-t-elle. Les résultats de ces travaux scientifiques pourraient aider les personnes qui souffrent de troubles de la mémoire ou qui ont perdu la notion du temps.