Depuis quelques années, le LHC accueille une expérience sans précédent: le programme FASER ou ForwArd Search ExpeRiment vise à rechercher de nouvelles particules jamais découvertes et des particules à faible interaction, entre autres, des neutrinos. En fait, comme leur nom l’indique, ces derniers sont des particules élémentaires électriquement neutres.
Il s’agit de l’une des particules les moins comprises dans le modèle standard de la physique. Étant donné qu’ils interagissent rarement avec la matière, ils sont particulièrement difficiles à repérer, et ce, en dépit du fait qu’ils sont présents partout dans la nature. C’est justement en raison de cette difficulté à les détecter que les neutrinos sont parfois appelés « particules fantômes ».
Six interactions de neutrinos déjà détectées
Lors des expériences de collision de particules dans le Grand collisionneur de hadrons, certains des neutrinos produits se brisent dans les noyaux des métaux denses à l’intérieur de la machine. Autant dire que depuis toujours, les chercheurs du CERN ont eu sous leurs yeux des neutrinos sans pour autant parvenir à les tracer. Pour cela, il fallait utiliser le bon instrument, et ce dernier est désormais opérationnel. Mis en place en 2018, FASER a permis aux scientifiques, lors d’un essai, de repérer six interactions de particules fantômes. Il faut savoir que ces découvertes ont été rendues possibles par un dispositif pilote.
Une technique qui rappelle celle de la photographie argentique
Le dispositif en question est constitué de plaques de plomb et de tungstène recouvertes d’émulsion. Situé à environ 500 mètres d’un point d’interaction clé de l’accélérateur de particules du CERN, le détecteur utilise un procédé plus ou moins identique à celui de la photographie argentique. Grâce aux couches d’émulsion, les neutrinos qui heurtent les atomes dans les métaux vont laisser des traces sur un film. Comme indiqué plus haut, l’équipe a pu détecter six marques dans les données. Cette découverte est détaillée dans un article scientifique publié dans la revue Physical Review D.
Un instrument beaucoup plus puissant en vue
D’après Jonathan Feng, co-auteur de l’étude, suite au succès des essais effectués avec le dispositif pilote, l’équipe FASER s’apprête désormais à réaliser une série d’expériences avec un instrument beaucoup plus sensible et plus gros. Baptisée FASERnu, cette version complète pèsera près d’une tonne, contre seulement une vingtaine de kilos pour le dispositif pilote. Avec cet instrument de grande taille, les physiciens espèrent pouvoir enregistrer plus de 10 000 interactions de particules fantômes.
La prochaine expérience est prévue pour 2022. « Avant ce projet, aucun signe de neutrinos n’avait jamais été observé dans un collisionneur de particules », a ajouté Feng. « Nous détecterons les neutrinos les plus énergétiques jamais produits par une source artificielle », a de son côté assuré David Casper, un autre scientifique qui participe au projet.