Le biologiste autrichien Karl Landsteiner a fait une découverte historique en 1901. D’après lui, le sang humain se décline en différents groupes : A, B, O et AB. Plus d’un siècle plus tard, le classement des groupes sanguins continue de permettre de sauver des vies au moyen de transfusion sanguine.
En outre, les groupes sanguins offrent la possibilité de remonter dans le temps, notamment pour expliquer le vécu et la disparition de précédentes lignées humaines. L’Homme de Néandertal (Homo neanderthalensis) et l’Homme de Denisova (ou Dénisovien) ont parcouru l’Eurasie il y a 300 000 à 400 000 ans. Ces deux espèces nous ont précédés, nous les Homo sapiens.
Une reconstruction des groupes sanguins de nos prédécesseurs
La revue scientifique PLOS One a publié le 28 juillet dernier les travaux d’une équipe marseillaise avec à sa tête Silvana Condemi, directrice de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le papier détaille la reconstitution des groupes sanguins de ces deux lignées éteintes.
Les chercheurs ont analysé d’anciennes données génétiques recueillies par le département anthropologique de l’Institut Max-Planck, en Allemagne. Le groupe sanguin est déterminé par les changements dans les acides aminés de certains allèles. À noter qu’il se transmet de manière héréditaire comme la couleur des yeux et des cheveux. L’équipe cherchait également à identifier la présence d’une variation génétique entre les deux lignées, un concept connu sous le nom de polymorphisme.
Des preuves de l’origine africaine des Hommes de Néandertal et de Denisova
Pour la première fois, il est établi que les Néandertaliens et les Dénisoviens possédaient les groupes sanguins ABO. Ces derniers contiennent des antigènes importants pour les transfusions sanguines modernes. Il s’agit également de la première fois où les groupes sanguins ABO sont confirmés chez des espèces antérieures à l’Homo sapiens. Les prédécesseurs des deux lignées éteintes pouvaient probablement posséder ces groupes.
D’autre part, la reconstitution confirme l’origine africaine des deux lignées. La base moléculaire des groupes sanguins des Néandertaliens et des Dénisoviens est similaire à l’ADN trouvé chez les hommes modernes originaires d’Afrique. L’équipe marseillaise a également découvert un allèle jusqu’alors inconnu appelé Rhd Duc2. Celui-ci ne se trouve que chez certains Aborigènes australiens.
Une faible diversité génétique chez les Néandertaliens
Condemi et son équipe ont également noté des détails intéressants sur la démographie de l’Homme de Néandertal. La lignée présente une faible diversité génétique, ce qui pourrait expliquer son extinction. À cela s’ajoute un faible succès reproductif.
Les analyses sanguines montrent la présence potentielle d’une maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né. Les femmes néandertaliennes ne pouvaient donc pas se reproduire avec un Dénisovien ou un Homo sapiens. Le Néandertal aurait ainsi souffert du métissage avec ses successeurs.