Une journaliste indépendante, Lucile Quillet, a sorti le 6 octobre dernier son premier essai intitulé Le Prix à payer. Ce que le couple hétéro coûte aux femmes. Diplômée de l’école de journalisme de Sciences Po Paris, la jeune femme s’intéresse aux problématiques de genre dans le couple hétérosexuel. Dans une interview parue sur le site Politis, l’auteure détaille les domaines de la vie conjugale ou les inégalités persistent, et aborde notamment le très tabou sujet de l’argent.
Un coût de la vie différent
Les arguments avancés par Lucile Quillet ne se basent pas sur des théories, mais sur des chiffres : au sein des couples hétérosexuels, il y aurait un écart de salaire d’environ 42% en moyenne (à la faveur de ces messieurs, on l’aura deviné).
Par ailleurs, on constate également une répartition inégale des dépenses: mesdames ont tendance à effectuer les courses du quotidien, ont également à charge (mentale et financière) la contraception du couple; tandis que messieurs investissent souvent dans la voiture familiale, la maison, les vacances … Et comme le dit si bien l’auteure dans l’interview: « On brille plus en société quand on dit avoir acheté une nouvelle voiture plutôt qu’en expliquant qu’on a acheté dix ans de paquets de boulgour ».
Les chiffres sont là: 75% des hommes gagnent mieux leur vie, et d’après l’Insee, en cas de séparation et en présence d’enfants au sein du foyer, mesdames perdraient 20% de leur niveau de vie, quand messieurs, qui repartent sans les petits, mais avec la voiture et la maison, en gagneraient 3 …
La femme, une « valeur d’ajustement »
Lorsqu’un enfant est désiré (ou bien s’invite) au sein d’un couple, il semblerait fou d’affirmer que les conséquences affectent l’homme et la femme de façon égale : madame gère la grossesse et ses difficultés, mais absorbe également tous les impacts sur sa vie professionnelle, à commencer par le congé maternité (potentiellement un congé maladie en cas de grossesse difficile). Cette période, accordée afin que la maman puisse s’occuper de son bébé, n’est pas la même pour messieurs.
D’ailleurs, rappelons ici que la durée du congé paternité a été rallongée le 1er juillet 2021; elle passe de 11 (ou 14) à 25 (ou 28) jours (3 jours étant à la charge de l’employeur, le reste étant versé par la Sécurité Sociale). A noter qu’il est obligatoire d’en prendre au moins 7, fractionnables, dans un délai de 6 mois après la naissance. Cette période est de 3 mois pour la maman, dans le cas de la naissance d’un seul enfant.
L’impact sur une évolution de carrière n’est pas négligeable: moins de temps pour travailler, mais aussi pour accumuler des connaissances qui permettraient l’accès à une éventuelle promotion.
De plus, lors d’une séparation, 75% des femmes ont la garde exclusive du ou des enfant(s): 28% des femmes avec un enfant passent à temps partiel; ce chiffre grimpe à 42% dès 3 tête blondes à la maison.
L’auteure définit cette perte comme le « cout d’opportunité », qui oblige les femmes à passer potentiellement à coté de leur carrière en devenant mère. Et pour cause, cela laisse peu de chances face aux collègues disponibles à tout moment et disposés à travailler jusque tard… Pour finir, si le père décide ne pas verser de pension alimentaire, la CAF prend le relai (après démarches effectuées par la mère), mais seulement jusqu’à ce que madame retrouve un(e) compagn(e)on et ne le déclare !
La « prise en charge » financière de la femme par l’homme sous entendue par notre société (jusque dans ce type d’organisme) est à première vue à l’avantage des femmes; mais elle est en fait à l’origine de déséquilibres qui mettent ces dernières en difficulté au plan professionnel, financier mais aussi personnel.
Une reconnaissance officielle du travail domestique
En cas de séparation, le montant moyen de la pension alimentaire s’élève à 170€ par enfant chaque mois. Mais cette somme ne couvre pas les dépenses invisibles, présentes aussi au sein des couples : le temps dévoué à l’éducation de l’enfant, et tout ce que cela implique. Les courses, le temps pris à aller chercher les enfants, les emmener aux activités extra scolaires, les repas, le ménage… Dans tout ça , il faut que ces dames dégagent du temps afin de se reposer (bienveillance permanence oblige), mais aussi pour prendre soin d’elle, dans une société où, comme le dit Lucile Quillet, « dès l’adolescence, on nous apprend à nous moduler, à domestiquer nos corps, qui deviennent des outils pour montrer notre motivation à être en couple ».
Une étude prouve que ces taches et ces dépenses sont inégalement réparties dans « Le travail domestique : 60 milliards d’heures en 2010 », de Delphine Roy. Ce travail quotidien, qui implique le renoncement à d’autres avantages financiers, exige d’être reconnu selon Lucile Quillet, par le versement d’un salaire compensatoire pour les femmes au foyer ou à temps partiel. Il devrait également permettre à ces dernières de cotiser, afin de ne pas se retrouver sans ressource dans le cas d’une séparation après des années dévouées à leur famille.
A défaut de voir les choses évoluer suffisamment vite, il est rassurant de voir que le combat pour plus d’égalité continue, et qu’une journaliste indépendante comme Lucile Quillet, dont le but est de faire avancer la société, soulève ce type de problématiques. Par ailleurs, et heureusement, le but n’est pas de diaboliser ces messieurs; certains couples on pour mode de fonctionnement une division des dépenses au pro rata. L’obectif de ce type d’essais est de stopper les inégalités et de nous faire prendre conscience que celles-ci peuvent aussi être véhiculées par notre schéma familial…